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Quand les planètes influencent le climat et les extinctions écologiques massives

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Timing and pacing of the Late Devonian mass extinction event regulated by eccentricity and obliquity

2017

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David De Vleeschouwer, Anne-Christine Da Silva, Matthias Sinnesael, Daizhao Chen, James E. Day, Michael T. Whalen, Zenghui Guo & Philippe Claeys

Nature Communications, 8, 2268

 

Communiqué de presse :

Extinction du Dévonien : les chercheurs découvrent à quel rythme les océans sont devenus hostiles à la vie

 

Liège, 3 janvier 2018 – Une équipe de géologues allemands, belges, américains et chinois a examiné les cycles climatiques dans différentes successions rocheuses pour déterminer le moment précis de l'extinction du Dévonien. Leurs résultats, publiés cette semaine dans Nature Communications, permettent de savoir à quelle vitesse les océans sont devenus hostiles à la vie au cours du Dévonien.

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Dans l'histoire de la Terre, les géologues distinguent cinq phénomènes d'extinction de masse particulièrement graves. L'extinction massive du Dévonien en fait partie et s'est produite il y a 374 millions d'années (voir aussi: de l'importance du temps en géologie), soit plus de 300 millions d'années avant l'impact d’astéroïde qui a fait disparaître les dinosaures. Au cours du Dévonien, les grands poissons régnaient sur les océans et les récifs coralliens étaient florissants, mais il n'y avait pas encore de grands animaux sur terre. Selon David De Vleeschouwer, géologue au MARUM (Centre des sciences de l'environnement marin de l'Université de Brême), « le climat du Dévonien correspondait à un état de serre extrême, avec beaucoup plus de CO2 dans l'atmosphère qu'aujourd'hui.»

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Pour des raisons encore débattues par les scientifiques, les océans sont devenus pauvres en oxygène lors de l'extinction massive du Dévonien. « Cet événement a étouffé la majeure partie de la vie dans l'océan, et les récifs coralliens dévoniens en ont été parmi les principales victimes », explique Anne-Christine Da Silva de l'Université de Liège. La cause principale de l'extinction est un sujet qui reste très discuté en géologie car il n'y a pas de preuve irréfutable présentée comme le déclencheur de ce massacre sous-marin. En fait, le niveau d'oxygène dans l'eau océanique a chuté deux fois au cours de l'extinction. Les géologues ont identifié ces deux baisses d’oxygène grâce à deux niveaux de schistes noirs qui permettent de retracer cette extinction au sein des successions rocheuses autour du globe. Ces deux niveaux de schistes noirs sont riches en composants organiques parce qu'il n'y avait pas assez d'oxygène pour que la matière organique se décompose, ni pour que les organismes sous-marins puissent respirer. Cependant les scientifiques ne savaient pas exactement quand et à quel rythme la Terre était devenue inhospitalière à la vie au cours de l'extinction massive du Dévonien.

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David De Vleeschouwer et son équipe ont utilisé une technique appelée la cyclostratigraphie (voir les cycles de Milankovitch), qui est un véritable chronomètre géologique. « Nous avons combiné des informations provenant de coupes géologiques couvrant l'extinction dévonienne de Belgique, de Pologne, de Chine, du Canada et des États-Unis. Dans toutes ces coupes, nous avons pu remarquer les effets engendrés par l’excentricité de l’orbite terrestre autour du soleil. »  Lorsque l'excentricité est faible, la Terre tourne autour du Soleil sur une orbite proche d'un cercle parfait, mais lorsque l'excentricité est plus élevée, l'orbite devient beaucoup plus elliptique. Ceci a pour conséquence des disparités très fortes de la quantité d'énergie solaire reçue par la Terre en hiver et en été. Les changements de l’excentricité orbitale se font selon des périodes fixes de 100 000 et 405 000 ans.

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Les auteurs ont identifié ces cycles et utilisé la durée de ces cycles pour calculer celle entre les deux niveaux de schistes noirs. Ils ont découvert que le deuxième épisode de faible niveau d'oxygène avait commencé 600 000 ans après le premier. Ce résultat est la première mesure temporelle précise de cet épisode essentiel de l'évolution de la vie sur Terre, et il s'est avéré beaucoup plus court qu’estimé. Par ailleurs, l'équipe scientifique a remarqué que l'extinction de la vie sous-marine coïncidait avec une période prolongée de faible excentricité de l’orbite terrestre. Cela signifie que celle-ci a été presque circulaire pendant plusieurs dizaines ou centaines de milliers d'années, donnant lieu à des climats relativement stables. Ces climats invariables ont engendré une circulation océanique plus lente et la stratification de la colonne d'eau, éléments qui ont favorisé de faibles niveaux d'oxygène dans les océans.

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Les chercheurs ne prétendent cependant pas avoir démasqué la cause première de l’extinction au Dévonien. Pour eux, les plantes terrestres en sont probablement les principaux responsables. En effet, pendant le Dévonien, les plantes terrestres ont développé des systèmes racinaires profonds et des tissus ligneux denses, ce qui leur a donné l'avantage évolutif de coloniser différents environnements. Mais le succès des plantes terrestres a un coût : lorsqu’elles meurent, leur biomasse est rejetée dans les cours d'eau et dans l'océan. « Les mers du Dévonien ont ainsi été progressivement étouffées par les nutriments des plantes en décomposition, un processus au cours duquel l'oxygène est absorbé et les autres formes de vie privées de nourriture », explique David De Vleeschouwer. « L'évolution des plantes terrestres est toutefois un processus lent et graduel. Ce n'est que lorsque la configuration excentrique de l'orbite terrestre a favorisé une circulation océanique lente que tous les facteurs ont été alignés pour pousser le système terrestre au-delà de son point de basculement, causant l'extinction massive du Dévonien. »

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